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Compétition,
rivalité ou concurrence "pure et parfaite"?
Si
la compétition est le sel de la vie, en économie,
c'est le plat principal. Elle est la force qui détermine
les prix, les revenus, organise la production, incite à l'innovation
et constitue le moteur du progrès technique, économique
et social. C'est un concept essentiel à la théorie
économique.
Dans
le langage courant, le mot, qui vient du latin competitio, signifie
" rivalité entre plusieurs personnes pour l'appropriation
d'un même avantage ". Les économistes classiques
retiennent cette définition, qui est également celle
que nous avons utilisée pour déterminer les prix sur
un marché. Mais la compétition est bien plus que cela.
"
La concurrence apparaît encore et surtout comme le principal
agent du progrès. Tous ces industriels, maîtres de
leurs actions et responsables de leurs uvres, stimulés
comme ils le sont par la concurrence incessante de leurs rivaux,
s'ingénient à qui mieux à simplifier le travail,
à améliorer les méthodes, à perfectionner
les procédés connus et à inventer des procédés
nouveaux ".
"
L'action de la concurrence suppose la liberté de l'homme,
au moins dans les relations industrielles. Elle suppose, en effet,
d'abord des conventions toujours volontaires et libres entre les
parties contractantes, entre le vendeur et l'acheteur d'une marchandise,
entre celui qui offre un produit et celui qui l'accepte; car si
l'une des parties peut imposer ses conditions à l'autre,
il n'y a plus de concurrence, il n'y a même plus de contrat.
Elle suppose, en outre, et c'est encore une condition essentielle,
la liberté pour chacune de ces parties de s'adresser à
des tiers quand elle n'est pas satisfaite des conditions actuelles
qu'on lui offre ".
Charles
Coquelin, Dictionnaire d'économie politique, s.v. "
concurrence " (1864), Paris, Guillaumin.
Dans le langage des économistes mathématiciens, il
en va autrement.
"
Tout le monde se forme une idée vague des effets de la concurrence:
la théorie aurait dû s'attacher à préciser
cette idée; et pourtant, faute d'envisager la question sous
le point de vue convenable, faute de recourir aux signes dont l'emploi
devient indispensable, les écrivains économistes n'ont
perfectionné en rien, sous ce rapport, les notions vulgaires.
Elles sont restées mal définies, mal appliquées
dans leurs ouvrages, comme dans le langage du monde ".
"Les
effets de la concurrence ont atteint leur limite, lorsque chacune
des productions partielles Dk est insensible, non seulement par
rapport à la production totale D=F(p), mais aussi par rapport
à la dérivée F'(p), en sorte que la production
partielle Dk pourrait être retranchée de D, sans qu'il
en résultât de variation appréciable dans le
prix de la denrée ".
Augustin
Cournot, Recherches sur les principes mathématiques de la
théorie des richesses (1838), reproduit dans Perspectives
de l'économie: les fondateurs, Paris, Calmann-Lévy.
On relèvera le mépris avec lequel Cournot traite les
"écrivains économistes". On notera également
au passage la différence entre ces deux définitions:
l'une, celle de Charles Coquelin, simple et claire, qui associe
la compétition à la liberté contractuelle et
à la liberté d'entrée sur le marché;
l'autre, totalement obscure, qui assimile la concurrence à
une situation dans laquelle la production de chaque firme n'exercerait
aucune influence notable sur la production totale ou sur les prix
!
La
première conception, celle des économistes classiques,
comporte deux aspects:
·
La rivalité entre des firmes cherchant à maximiser
leurs gains à l'échange, les pousse à adopter
les techniques de production et de gestion les moins coûteuses,
à innover et à mettre les prix les plus bas possible.
Cette rivalité, ou cette compétition, est le moteur
de la croissance économique. Cette vision, qui va d'A. Smith
aux économistes autrichiens contemporains en passant par
les économistes "écrivains" français
du début du XIXe siècle, est dynamique.
La
rivalité nécessite une liberté contractuelle,
ainsi que la liberté du commerce, c'est-à-dire la
liberté d'entreprendre ou d'entrer sur le marché.
Cette
vision, qui insiste sur les règles et les processus de la
compétition, est procédurale.
A
celle-ci s'oppose une vision dite " néoclassique ",
présentée et développée par les économistes
mathématiciens et les ingénieurs économistes
du XIXe siècle comme Cournot. La compétition n'est
plus " un ordre compétitif ", c'est-à-dire
un ensemble de règles que les rivaux doivent respecter dans
leur interaction individuelle, quel que soit le résultat
observé, mais un ensemble d'hypothèses qui font émerger
de ce processus compétitif un résultat particulier
ou une structure d'interaction sur le marché telle que les
rivaux sont des " price takers ".
Ces
deux théories conduisent à des interprétations
très différentes de la politique et du droit de la
concurrence. Il n'est pas inutile de s'attarder sur cette opposition,
tant son importance est aujourd'hui considérable, notamment
en raison de l'entrée en vigueur du marché unique
européen, de la déréglementation et des privatisations.
26.1
La vision des manuels des années soixante
La
notion " de concurrence parfaite " constitue le fondement
de cette approche. La concurrence " pure et parfaite "
est une situation qui émergerait de la rivalité entre
firmes, si les conditions suivantes étaient satisfaites:
·
La première condition est que la firme la plus importante
dans un domaine donné ne contribue que très faiblement
à l'offre totale de l'industrie. Cela implique l'existence
d'un grand nombre de firmes. Aucun nombre n'a été
proposé pour affirmer que la part de marché compatible
avec un état de compétition devait être de tant.
On peut simplement dire que la part de marché sera d'autant
plus faible que l'entrée est aisée et qu'il y a un
grand nombre d'entreprises sur ce marché. Bien qu'il faille
définir ce qu'est le marché, ce n'est pas si simple.
·
La deuxième condition, corollaire de la précédente,
stipule que chaque firme agit indépendamment des autres.
Les variations conjecturales sont nulles. En présence d'un
grand nombre de firmes, il est difficile de réaliser une
entente, tant il est rentable pour chacune de ne pas respecter l'accord
passé; de plus, dans ce cas, les rivaux ne se connaissent
pas et la compétition est anonyme ou impersonnelle. Les profits
réalisés par une firme sont indépendants de
ce qui arrive à une autre. L'essence de la concurrence ne
sera pas une forte rivalité, mais la dispersion du pouvoir
ou l'impossibilité qu'à chaque firme d'influencer
l'offre totale de l'industrie. Les firmes n'ont pas, individuellement,
le pouvoir de restreindre les quantités globales offertes
ou d'augmenter les prix au-dessus du prix d'équilibre sans
perdre la totalité de leurs clients.
·
Selon la troisième condition, l'information sur les offres
et les demandes comme sur les prix pratiqués de ceux qui
échangent est parfaite. Il n'y a pas d'asymétrie d'information
entre vendeur et offreur, les prix pratiqués sont connus
de tous, la qualité des produits aussi. On sait où
trouver le produit ou le service et à quelles conditions
de vente.
·
Une quatrième condition est souvent ajoutée. En général,
on suppose la divisibilité du produit et, très souvent,
son homogénéité. On précise également
que les demandeurs sont identiques: les offreurs ne trouvent aucun
avantage à vendre leur produit à un consommateur plutôt
qu'à un autre ou à discriminer les prix entre les
acheteurs . De manière identique pour les acheteurs, ils
n'ont pas une préférence particulière pour
un vendeur. Les vendeurs et / ou les acheteurs sont anonymes et
interchangeables.
·
La cinquième condition précise que les ressources
doivent être également productives quel que soit l'usage
auquel elles sont employées. Cela signifie que ces ressources
doivent pouvoir se déplacer vers les emplois les plus rentables.
Il y a mobilité des ressources. Le principe d'arbitrage doit
être à l'uvre. En corollaire, l'information sur
ces usages alternatifs doit être parfaite et l'entrée
doit être libre.
Si
ces cinq conditions sont remplies, on parle alors de concurrence
pure et parfaite au niveau de l'industrie, et non du seul marché
comme pour les quatre premières conditions. Introduire la
mobilité des ressources revient à faire pénétrer
le temps et la tendance au profit nul par l'entrée de nouveaux
concurrents dans l'analyse. Déplacer une ressource d'un emploi
à un autre est long, d'autant plus que celle-ci peut être
spécialisée ou réservée à un
usage particulier. C'est pour cette raison que la concurrence est
également un concept de long terme et se définie comme
cette période où la mobilité des ressources
est effective et les profits anormaux tendent à s'éliminer.
Cette
conception de la compétition a des conséquences importantes
en matière de droit de la concurrence. En effet, le législateur
peut vouloir imposer aux firmes une structure de marché qui
respecte ces conditions: ce sont les lois " anti-trust "
ou les lois sur la concurrence.
On
recherche, dans un premier temps, des tests capables de révéler
la présence de ces conditions. Si elles se trouvent remplies,
on estime le marché dans une situation de concurrence dans
laquelle les firmes seraient des " price takers "; sinon,
on suspecte une situation dans laquelle celles-ci peuvent s'entendre
pour influencer le prix du marché et tendre vers un état
où elles pourraient s'approprier les gains à l'échange
aux dépens du consommateur.
Les
critères adoptés sont divers mais recoupent nos cinq
conditions. Le nombre de firmes sur un marché et leur poids
dans l'offre globale de l'industrie sont parfaitement observables.
Il s'agit de la concentration sur le marché. Une forte concentration
serait l'indicateur d'une absence de compétition Cette concentration
peut être horizontale ( fusions) ou verticale ( contrat de
franchise ou de distribution sélective entre un producteur
et un distributeur). Cette concentration fait suspecter une position
dominante. La firme peut alors influencer le prix de marché
et les quantités offertes. Cette concentration peut provenir
d'ententes entre les offreurs.
Normalement,
les entreprises font face à un seul prix; l'hétérogénéité
des prix peut donc être un indicateur d'un manque de concurrence.
L'écart entre le prix et le coût marginal ou indice
de Lerner, est aussi une mesure du pouvoir de monopole, ce que révèle
une demande faiblement élastique, cet écart étant
égal à l'inverse de l'élasticité de
la demande. La présence d'une discrimination des prix, un
même produit étant vendu à des prix différents,
est également utilisée comme indice d'une absence
de compétition. L'absence de transparence dans l'information
ou des asymétries d'information entre vendeurs et acheteurs
est aussi suspect. Enfin, la présence de profits très
élevés peut aussi indiquer que la mobilité
des ressources ne s'opère pas. Des barrières à
l'entrée existent. On recense habituellement comme telles
: la publicité, les économies d'échelles, la
différenciation des produits ou la présence de contrats
limitant l'accès à des marchés intermédiaires.
Le
législateur s'efforcera de réglementer le marché
ou d'interdire certaines pratiques commerciales pour empêcher
l'instauration d'une situation de non-concurrence telle qu'elle
est définie par ces conditions L'institution en charge de
faire respecter ces cinq conditions est le Conseil de la Concurrence
ou la Federal Trade Commission (FTC) aux Etats Unis. Ces organes
sont saisis de plaintes et instruisent les dossiers, ensuite le
juge tranche en première instance ou en appel si les parties
en conflits y ont recours.
26.2
Une application : Les lois sur la concurrence et l'ordonnance de
décembre 1986
L'ordonnance
du 1er décembre 1986 définit ce que l'on appelle les
lois de la concurrence en France. C'est à partir de cette
loi que le Conseil de la concurrence s'efforce d'appliquer cette
vision néoclassique de la compétition aux industriels
et aux commerçants. Mais la pratique et la jurisprudence
du Conseil n'est pas aussi stricte qu'on le pense car le législateur,
dans la rédaction du texte, laisse une marge de manuvre
assez considérable à l'interprétation qu'en
feront les des membres de la commission et le juge. Cette rédaction
ambiguë rend souvent arbitraires et subjectifs les décisions
du Conseil et les jugements des tribunaux. Il faut donc trouver
dans la jurisprudence le fil conducteur et les principes économiques
qui guident les décisions de ces individus.
Les
trois articles essentiel de l'ordonnance de 1986 sont les suivants
:
Art
7- Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent
avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser
le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées,
conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions , notamment
lorsqu'elles tendent à : 1- limiter l'accès au marché ou le libre exercice
de la concurrence par d'autres entreprises 2 - faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu
du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse 3 - limiter ou contrôler la production, les débouchés,
les investissements ou le progrès technique; 4 - répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement
Art.
8. - Est prohibée, dans les mêmes conditions, l'exploitation
abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises 1 - d'une position dominante sur le marché intérieur
ou une partie substantielle de celui-ci; 2 - de l'état de dépendance économique dans
lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente
ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes
liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que
dans la rupture de relations commerciales établies, au seul
motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions
commerciales injustifiées.
Art.
10. - Ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8
les pratiques 1 - qui résultent de l'application d'un texte législatif
ou d'un texte réglementaire pris pour son application; 2 - dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer
un progrès économique et qu'elles réservent
aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte,
sans donner aux entreprises intéressées la possibilité
d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des
produits en cause. Ces pratiques ne doivent imposer des restrictions
à la concurrence que dans le mesure où elles sont
indispensables pour atteindre cet objectif de progrès. Certaines catégories d'accords, notamment lorsqu'ils ont
pour objet d'améliorer la gestion des entreprises moyennes
ou petites, peuvent être reconnues comme satisfaisant à
ces conditions par décret pris après avis conforme
du Conseil de la Concurrence.
Dans
la pratique le Conseil de la Concurrence essaie de faire au mieux
en s'efforçant de sanctionner les atteintes à la législation
sans empiéter sur le principe essentiel de la liberté
du commerce et de l'industrie comme celle des contrats.
Ainsi
l'article 7 de l'ordonnance prohibe les ententes dès lors
qu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher,
de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.
L'article 8 prohibe, dans les mêmes conditions, l'exploitation
abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position
dominante ou d'un état de dépendance économique.
Sur le fondement d'une interprétation littérale de
ces dispositions, le Conseil devrait englober dans le champ de la
prohibition les ententes qui ont un objet anticoncurrentiel, celles
qui ont un effet anticoncurrentiel ainsi que celles qui ont une
potentialité d'effet anticoncurrentiel. Enfin l'article 10
permet les exceptions, en particulier pour les restrictions verticales.
Toutefois,
la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle
étant de principe, l'intervention des autorités de
régulation des marchés ne peut être considérée
comme légitime que dans le cas où une atteinte importante,
avérée ou potentielle, au jeu de la concurrence est
établie. Le Conseil doit en effet instruire un dossier et
donc apporter des preuves à son argumentation. Cela le conduit
à examiner les effets concrets, avérés ou potentiels
des pratiques en cause.
Les
pratiques anticoncurrentielles peuvent revêtir des formes
diverses telles que, par exemple, des ententes de prix ou de marges
entre entreprises en principe concurrentes, la mise au point et
la diffusion de barèmes, l'élaboration et la diffusion
de recommandations ou de directives en matière de prix ou
de remises par des organismes professionnels, des échanges
d'informations ou des ententes entre soumissionnaires à un
même appel d'offres, des ententes de répartition de
marchés, des pratiques concertées visant à
exclure certaines entreprises d'un marché ou à en
limiter l'accès, des conditions générales de
vente ou d'achat, ainsi que leur application. En 1999, la jurisprudence
du Conseil a rencontré la plupart de ces situations. Reprenons
en quelques unes brièvement pour montrer quelle principes
fondent la jurisprudence du Conseil. Nous examinerons à partir
du rapport de 1999 quelques exemples ayant trait aux :
a)
ententes illicites
b)
ententes sur les prix les marges
c)
entraves à l'accès au marché
d)
partage de marché
e)
restrictions verticales
f)
position dominante, dépendance économique et abus
de position dominante
i)
Les ententes illicites
L'article
7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 donne une liste, non
exhaustive, des pratiques concertées, horizontales ou verticales,
qui sont prohibées. Ce sont notamment celles qui tendent
à : · limiter l'accès au marché ou le libre exercice
de la concurrence par d'autres entreprises ; · faire obstacle à la fixation des prix par le libre
jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse
ou leur baisse ; · limiter ou contrôler la production, les débouchés,
les investissements ou le progrès technique.
La
difficulté ici réside dans la définition de
qu'est-ce qu'une entente entre entreprises ?
Le
Conseil a réaffirmé sa jurisprudence relative aux
ententes. Il a, ainsi, rappelé que la réunion d'entreprises
indépendantes au sein d'un groupement d'intérêt
économique, d'une association ou d'une société
ne saurait être considérée en soi comme une
pratique d'entente prohibée. En revanche, il a recherché
si ces structures avaient été utilisées pour
mettre en uvre des pratiques concertées ayant pour
objet ou pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence
sur le marché. Deux organisations professionnelles ont été
sanctionnées en 1999 pour avoir organisé des ententes
prohibées : le Syndicat des négociants détaillants
en combustible du Nord (décision n° 99D84)
et le Syndicat national des ambulanciers de montagne (décision
n° 99D70).
Mais
est-ce qu'une association professionnelle ou un syndicat ouvriers
constituent des ententes ou est-ce que seuls les ententes entre
entreprises sont passibles des foudres du Conseil de la Concurrence?
L'affaire
relative à des pratiques mises en uvre par le Comité
intersyndical du livre parisien et les syndicats composant cette
coordination dans le secteur de l'imprimerie de publications a permis
à la jurisprudence de préciser cette question difficile
: une entente anticoncurrentielle est nécessairement une
entente entre entreprises!
Cette
question était loin d'être nouvelle et un certain nombre
de réponses lui avaient déjà été
apportées. C'est ainsi que des organisations professionnelles,
qui ne sont pas des entreprises, sont régulièrement
condamnées pour avoir organisé des ententes. Mais,
à vrai dire, cette jurisprudence repose sur l'idée
que ces organisations constituent en ellesmêmes des réunions
d'entreprises : elles sont davantage l'instrument de l'entente que
des participants autonomes, même si elles sont directement
condamnées. Par ailleurs, il était déjà
arrivé qu'un donneur d'ordres publics soit condamné
pour s'être entendu avec les soumissionnaires à un
appel d'offres. Dans ce dernier cas, cependant, la majorité
des participants à l'entente était constituée
d'entreprises Dans l'affaire ici commentée, en revanche,
les auteurs de l'entente présumée étaient tous
des syndicats ouvriers et non des entreprises.
Le
Conseil a considéré (décision n° 99D41)
que ce syndicat ouvrier, dès lors qu'il avait eu pour objet
d'entraver le fonctionnement de la concurrence sur un marché,
entrait dans les prévisions de l'article 7 de l'ordonnance.
Ce point de vue pouvait s'autoriser d'un argument de texte : alors
que l'article 81 du traité de Rome prohibe les ententes anticoncurrentielles
entre entreprises et que l'article 8 de l'ordonnance prohibe les
abus de position dominante commis par des entreprises, l'article
7 de l'ordonnance ne se réfère pas à la notion
d'entreprise. Ce point de vue n'a cependant pas été
entériné par la cour d'appel de Paris qui, par un
arrêt du 29 février 2000, a annulé cette décision.
Si la cour a admis que certains des participants à une entente
pouvaient ne pas être des entreprises et pouvaient donc, par
exemple, être des syndicats ouvriers, elle a considéré
que l'un des participants au moins devait être un " acteur
actif sur un marché ". Cette jurisprudence confirme
donc que des " nonentreprises " peuvent participer
à une entente anticoncurrentielle et être condamnées
de ce chef. Mais elle ne reconnaît l'existence d'une entente
que si une entreprise au moins y a participé, sauf à
ce que soit ultérieurement précisée la différence
entre la notion d'entreprise et la notion d'acteur actif sur un
marché.
Les
ententes anticoncurrentielles entre entreprises soumissionnaires
à des marchés publics ou privés aboutissent
à un affaiblissement de la concurrence, et, dans certains
cas, à l'élimination de certaines entreprises. En
1999, le Conseil a examiné sept affaires dans lesquelles
des soumissionnaires à des appels d'offres publics ou privés
ont échangé des informations ou se sont concertés
avant la remise des plis pour déterminer en commun l'entreprise
qui, présentant l'offre la plus basse, serait dès
lors l'attributaire du marché et pour organiser le dépôt
d'offres de couverture par les autres entreprises afin de faire
échec au fonctionnement de la concurrence sur ces marchés.
Ces affaires ont conduit le Conseil à réaffirmer sa
jurisprudence en la matière.
S'agissant
de la nature des concertations ou des échanges d'informations
mis en uvre entre entreprises soumissionnaires, le Conseil
a précisé dans quelles conditions ces pratiques sont
qualifiées sur le fondement de l'article 7 de l'ordonnance
du 1er décembre 1986. Il a ainsi rappelé qu'en matière
de marchés publics ou privés, il est établi
que les entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dès
lors que la preuve est rapportée soit qu'elles ont convenu
de coordonner leurs offres, soit qu'elles ont échangé
des informations antérieurement à la date où
le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être,
qu'il s'agisse de l'existence de compétiteurs, de leurs noms,
de leur importance, de leur disponibilité en personnel et
en matériel, de leur intérêt ou de leur absence
d'intérêt pour le marché considéré
ou des prix qu'ils envisagent de proposer.
ii)
Les ententes sur les prix ou les marges
Comme
chaque année, le Conseil a eu à sanctionner des ententes
horizontales entre entreprises opérant sur le même
marché et ayant pour but de fixer de façon coordonnée
les prix facturés aux consommateurs. Ce fut notamment le
cas avec la " série centrale de prix " élaborée
par l'Académie d'architecture (décision n° 99D08).
Cette
pratique était fort ancienne puisqu'elle durait sans interruption
depuis 1883. Comme il est fréquent dans ce type d'affaire,
il était soutenu que les chiffres fournis ne constituaient
que des indications que les architectes n'étaient pas tenus
de suivre et dont ils pouvaient s'écarter en fonction de
leurs contraintes de gestion. Le Conseil s'est alors livré
à une analyse minutieuse des données de la série
centrale au terme de laquelle il lui est apparu, d'une part, que
les chiffres fournis n'étaient pas des prix " constatés",
comme on en trouve dans les mercuriales, mais de véritables
propositions et, d'autre part, que par leur degré de détail
combiné à l'absence de prise en compte des facteurs
de productivité propres à chaque entreprise et à
l'utilisation d'une marge globale bénéficiaire préfixée,
ils ne revêtaient pas la nature de supports techniques destinés
à aider les architectes à calculer indépendamment
leurs prix. Le Conseil a refusé d'admettre, par ailleurs,
que l'existence de tels barèmes puisse favoriser la concurrence
au motif que les petites et moyennes entreprises y trouveraient
des références. Enfin, il a écarté un
moyen tiré de ce que l'Académie avait été
reconnue association d'utilité publique par décret
: en tout état de cause, les statuts ainsi approuvés
ne mentionnaient pas la série centrale de prix.
Dans
d'autres cas, ce sont les entreprises qui se sont directement entendues
pour fixer d'un commun accord les prix pratiqués. Le Conseil
a, par exemple, sanctionné des marbreries funéraires
de la région de Reims (décision n° 99D22)
; à cette occasion, il a écarté un moyen de
défense tiré de ce que les consommateurs ne cherchaient
pas à comparer les prix et de ce qu'aucune publicité
sur les prix n'était pratiquée.
iii)
Entraves à l'accès au marché
Outre
les pratiques par lesquelles des entreprises déterminent
en commun leur stratégie en matière de prix ou de
volume de production, méconnaissant ainsi la condition d'autonomie
des décisions qui doit prévaloir sur un marché
concurrentiel, plusieurs affaires examinées par le Conseil
au cours de l'année 1999 ont révélé
des pratiques concertées ayant pour objet ou pouvant avoir
pour effet de limiter l'accès de nouveaux compétiteurs
au marché ou le maintien sur celuici de certains opérateurs.
S'agissant
des pratiques mises en uvre par la société TF1
dans le secteur de la production, de l'édition et de la publication
des vidéogrammes (décision n° 99D85),
le Conseil retient, au sujet de la pratique consistant, pour TF1,
à réserver à sa filiale spécialisée
l'exploitation vidéographique du projet de coproduction,
que le producteur qui se trouve contraint d'adhérer aux clauses
du contrat de coproduction lors de la mise en place du plan de financement
du fichier ne reçoit aucune assurance de la part de la chaîne
quant à l'exploitation effective de l'uvre sous la
forme de vidéogrammes et peut se trouver ainsi privé
de la possibilité de faire jouer la concurrence entre éditeurs
concurrents de la filiale de TF1 qui sont empêchés
d'accéder au marché considéré.
iv)
Partage de marché
Si
les ententes anticoncurrentielles intervenant entre entreprises
soumissionnaires à des marchés publics aboutissent
souvent à une répartition de marchés entre
entreprises, d'autres types d'ententes peuvent avoir le même
objet ou le même effet. L'affaire relative à certaines
pratiques mises en uvre dans le secteur des transports sanitaires
de skieurs accidentés (décision n° 99D70),
a également conduit le Conseil à condamner une pratique
de répartition de marchés.
Le
CNAS, entreprise servant d'interface entre les compagnies d'assuranceassistance
et les ambulanciers assurant le transport des skieurs accidentés,
avait passé avec les ambulanciers et avec le Syndicat national
des ambulanciers de montagne une convention qui prévoyait
notamment que les entreprises ayant assuré le transport primaire
des blessés (entre les pistes et le centre de soins) assureraient
aussi le transport secondaire (reconduite des skieurs à leur
domicile). Une telle pratique faisait disparaître la concurrence
au stade du transport secondaire. Les entités mises en cause
se défendaient en faisant valoir que le choix du même
ambulancier par le consommateur pour le transport secondaire était
" naturel " et que la convention avait seulement pour
but d'empêcher le CNAS de s'opposer à cette démarche.
Le Conseil a écarté l'argument en soulignant son caractère
contradictoire : une convention serait inutile si la pratique en
cause, dite " droit de suite ", correspondait à
un comportement spontané du consommateur. Par ailleurs, le
Conseil a démontré que la pratique avait un effet
anticoncurrentiel en comparant la proportion des cas où transports
primaires et secondaires sont assurés par la même entreprise
selon que le CNAS intervenait ou non. Le Conseil a, enfin, examiné
le moyen tiré de ce que la pratique avait contribué
au progrès économique en facilitant la gestion des
entreprises et l'organisation des secours aux skieurs : cette éventualité
n'a pas été écartée mais il a été
répondu qu'en tout état de cause, il n'était
ni allégué ni établi que la pratique était
indispensable pour atteindre le progrès économique
invoqué.
v)
Restrictions verticales
Les
dispositions de l'article 7 de l'ordonnance, qui prohibe les conventions
qui ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser le jeu
de la concurrence, sont applicables non seulement aux actions concertées
qui peuvent être le fait de concurrents potentiels, mais aussi
aux relations qui peuvent s'instaurer entre des agents économiques
qui se situent à des stades différents du processus
de production et de commercialisation, telles notamment les conventions
liant un producteur ou un fabricant à ses distributeurs.
Dans la décision n° 99D49, le Conseil a eu
l'occasion d'examiner le contrat de franchise conclu entre la société
Yves Rocher et ses 4 000 franchisés et de soutenir ce type
de contrat. Marquant ainsi une évolution de la jurisprudence
dans le domaine des ententes verticales..
La
principale question posée par cette affaire était
de savoir si le franchiseur, dont le contrat de franchise constitue,
dès lors que les franchisés y adhèrent, une
entente, pouvait, sans enfreindre les dispositions de l'article
7 de l'ordonnance, obliger les franchisés à acheter
des matériels de présentation et de gestion choisis
par lui. Il est de jurisprudence constante qu'un contrat de franchise
ne peut limiter la liberté commerciale des adhérents
que pour autant que le respect de ces obligations est nécessaire
à la protection des droits de la propriété
industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir
l'identité commune et la réputation du réseau
franchisé. Ces limitations doivent, autant que possible,
prendre la forme de spécifications objectives, de façon
à laisser le franchiseur libre de s'approvisionner auprès
des fournisseurs de son choix. Il peut se faire, cependant, que
de telles spécifications ne soient pas possibles ou pas suffisantes
pour atteindre l'objectif visé.
La
première clause discutée dans cette affaire concernait
les matériels et équipements nécessaires à
l'aménagement des magasins. L'utilité pour le réseau
de disposer d'une politique cohérente en la matière
n'était pas discutée et la clause semblait conforme
aux exigences de la jurisprudence puisqu'elle prévoyait que,
si Yves Rocher communiquait aux franchisés une liste de fournisseurs,
le franchisé conservait la possibilité de faire réaliser
l'aménagement de son magasin par d'autres entreprises à
condition de respecter les plans, normes et cahiers des charges
d'Yves Rocher. Le Conseil a cependant considéré que
la rédaction de la clause était ambiguë et que
la pratique, notamment les informations délivrées
aux franchisés au cours des congrès, ne permettait
pas de lever cette ambiguïté. Le Conseil n'a cependant
pas prononcé de sanction: il a enjoint à Yves Rocher
de modifier le contrat et à cesser de faire circuler une
liste de fournisseurs de matériels et équipements.
Une
autre clause du contrat type de franchise de la société
Yves Rocher obligeait les franchisés à équiper
leur centre de matériel informatique fourni par une société
donnée. Cette fois, le Conseil retient que la mise en uvre
d'un réseau centralisé était indispensable
au fonctionnement et à la réputation de la franchise
compte tenu du nombre élevé de franchisés,
de l'inexpérience en matière informatique de la plupart
d'entre eux ainsi que de la nécessité de gérer
de façon cohérente un double système de commercialisation
(le réseau de franchisés et la vente directe par correspondance).
Un tel réseau informatique centralisé supposait, à
l'époque des faits en tout cas, pour rechercher des conditions
d'acquisition avantageuses et pour assurer la disponibilité
et la maintenance des matériels, que tous les franchisés
achètent leur matériel informatique et le fassent
entretenir par les entreprises désignées par Yves
Rocher. La clause relative au matériel informatique n'a donc
pas été considérée comme contraire aux
exigences de l'article 7.
vi)
Positions dominantes, situations de dépendance économique
et abus anticoncurrentiels
L'article
8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibe, lorsqu'elle
a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre
ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, " l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises
: " 1. D'une position dominante sur le marché intérieur
ou une partie substantielle de celuici ", " 2. De l'état de dépendance économique
dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise
cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente
".
L'application
des dispositions du 1. de l'article 8 de l'ordonnance implique tout
d'abord de définir le marché de référence,
ensuite d'évaluer la position qu'occupe sur ce marché
l'entreprise ou le groupe d'entreprises dont les pratiques ont été
dénoncées et, enfin, au cas de position dominante
caractérisée, d'examiner ces pratiques en vue de déterminer
si elles présentent un caractère abusif et anticoncurrentiel.
Au
cours de l'année 1999, le Conseil a pris sept décisions
de fond concernant l'application de ces dispositions.
Seulement
voilà comment définit-on un marché, comment
définit-on un abus ?
Le
marché, au sens où l'entend le Conseil de la concurrence
et donc le droit de la concurrence, est défini comme le lieu
sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit
ou un service spécifique.
En
théorie, sur un marché, les unités offertes
sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui peuvent
ainsi arbitrer entre les offreurs lorsqu'il y en a plusieurs, ce
qui implique que chacun de ces derniers est soumis à la concurrence
par les prix des autres offreurs. Le critère de substitution
en théorie économique fait référence
aux effets substitutions et donc aux élasticités prix
croisées.
A
l'inverse, un offreur sur un marché n'est pas directement
contraint par les stratégies de prix des offreurs sur des
marchés différents, parce que ces derniers commercialisent
des produits ou des services qui ne répondent pas à
la même demande et qui ne constituent donc pas, pour les consommateurs,
des produits substituables.
Une
substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant
rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant
sur un même marché les produits ou services dont on
peut raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme
des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour
satisfaire une même demande. Parmi les éléments
à prendre en compte pour définir les contours d'un
marché pertinent, il y a lieu, notamment, de retenir la nature
de la prestation, l'environnement juridique, les conditions techniques
d'utilisation, le coût d'usage ou de mise à disposition
et la stratégie des offreurs, ainsi que la qualité
des demandeurs.
L'affaire
concernant le secteur du jouet (décision n° 99D45)
a donné lieu à un débat sur la méthodologie
d'analyse du marché pertinent.
La
société Mattel, qui fabrique la poupée Barbie,
contestait la méthode d'analyse qui avait conduit le rapporteur
à constater l'existence d'un marché de la poupéemannequin.
Elle soutenait, en particulier, qu'il n'existe pas de marché
distinct des poupéesmannequins mais un marché
englobant au moins les poupéesmannequins, les poupéespoupons,
les jeux artistiques et les peluches. Elle fondait son affirmation
sur une étude économétrique réalisée
à sa demande, en soulignant que les tests d'élasticité
croisée sont la seule méthode pertinente pour délimiter
un marché.
Le
Conseil a rappelé, à cette occasion, que la délimitation
des contours du marché doit être opérée
en examinant successivement et, en cas de contradiction, en combinant
les différents indices réunis au cours de l'instruction.
Il en résulte qu'un test d'élasticité croisée,
comme celui présenté par la société
Mattel, peut être pris en compte mais d'une façon non
exclusive, dès lors que figurent au dossier d'autres éléments
d'appréciation.
Ces
principes posés, le Conseil a examiné les différents
critères susceptibles de concourir à la délimitation
du marché.
Il
a retenu en premier lieu les caractéristiques propres du
produit, en particulier l'allure typique des poupéesmannequins
comparées aux autres jouets anthropomorphes. A ensuite été
pris en compte l'écart entre le niveau de prix moyen des
poupéesmannequins et celui des poupéespoupons
calculé à partir des relevés Nielsen. Le Conseil
s'est également appuyé sur des études de comportement
de l'enfant qui font apparaître que les poupéesmannequins
et les poupéespoupons ne sont pas porteuses des mêmes
potentialités ludiques et psychologiques, car elles ne mobilisent
pas chez l'enfant les mêmes facultés imaginatives.
La
société Mattel avait certes contesté la prise
en compte d'études d'ordre sociologique et psychologique
pour définir le marché pertinent. Elle estimait, en
effet, que l'observation selon laquelle le comportement de l'enfant
est différent avec une poupéepoupon et avec une
poupéemannequin ne change rien au fait que ces deux
catégories de jouets répondent pour l'utilisateur,
l'enfant, à un seul et même besoin : celui de jouer.
Elle
soutenait également que l'analyse de la demande ne peut se
limiter à celle exprimée par le prescripteur (l'enfant),
demande qui peut présenter une distorsion avec le comportement
effectif d'achat des adultes.
En
réponse à ces deux arguments, le Conseil a rappelé
en premier lieu la communication du 9 décembre 1997 sur la
définition du marché en droit communautaire de la
concurrence dans laquelle la Commission a précisé
que les éléments retenus peuvent être variables
selon les cas d'espèce et que leur caractère déterminant
doit être apprécié en fonction des caractéristiques
et spécificités du secteur et des produits considérés.
En
l'espèce, il a estimé qu'il convenait de tenir compte
de la complexité de l'activité ludique des enfants
et de ce que les habitudes de jeux sont le reflet des motifs distincts
qui les poussent à désirer et à faire acheter
un jouet plutôt qu'un autre. Les éléments psychologiques
n'ont pas à être écartés a priori et
doivent être analysés conjointement avec les autres
éléments du dossier.
Il
a observé, en second lieu, que le parallélisme établi
par la société Mattel entre la relation malade/médecin,
pour le médicament, et la relation enfant/parents, pour le
jouet, devait être relativisé en raison de la nature
même des produits et de leur finalité. En effet, le
malade, bien qu'utilisateur final, n'est à aucun moment celui
qui a la faculté de décider du médicament qui
doit lui être prescrit, la prescription adaptée dépendant
d'une compétence spécifique détenue par le
médecin. La situation est différente pour l'enfant
qui, sans être le " payeur ", choisit néanmoins
luimême souvent ou emporte la décision de l'acheteur
dans le sens qu'il désire. D'ailleurs, l'instruction a montré
que la stratégie marketing de la société Mattel
est orientée en direction des fillettes.
Après
avoir rappelé, au début de son développement,
sa position de principe sur la place d'un test d'élasticité
croisée dans la méthodologie d'analyse du marché
et après avoir examiné les éléments
d'appréciation d'ordre technique, économique et comportemental,
le Conseil a commenté au fond les résultats de l'étude
économétrique produits par la société
Mattel.
En
particulier, selon cette étude, les ventes baisseraient de
15,4 % si le prix des poupées Barbie augmentait de 10 % et
une hausse de 5 % des prix des poupées Barbie aboutirait
à une baisse des bénéfices de la société
Mattel.
Le
Conseil a observé que ces constatations sont insuffisantes
en ellesmêmes pour définir les contours du marché
dans la mesure où elles pourraient être cohérentes
tant avec une situation dans laquelle les poupées Barbie
seraient en concurrence avec d'autres poupées ou jeux (thèse
de la société Mattel) qu'avec une situation dans laquelle
la société Mattel disposerait d'un monopole, les poupées
Barbie constituant alors un produit insubstituable à tout
autre poupée ou jeu.
Dans
ce dernier cas, en effet, et si la société Mattel
pratiquait un prix maximisant ses profits, toute augmentation de
ce prix entraînerait nécessairement une baisse de son
profit. En outre, un monopole a toujours intérêt à
fixer son prix à un niveau tel que, pour ce prix, l'élasticité
du prix de la demande pour son produit est supérieure à
1 en valeur absolue.
Sur
la base de tous ces éléments, le Conseil a retenu
un marché des poupéesmannequins.
Le
conseil de la concurrence a alors décidé que cette
firme détenait une position dominante sur ce marché
des poupées ! Le Conseil a relevé en plus que les
conditions de vente de la société Mattel restreignaient
la liberté tarifaire des distributeurs grossistes et détaillants
et aboutissaient à des prix imposés. Il a estimé
également que l'interdiction de rétrocession, sauf
accord du fournisseur, sanctionnée par la perte d'une remise
de 7% en cas de non respect, limitait la liberté des revendeurs.
Le Conseil a établi que Mattel avait enfreint les dispositions
de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et lui
a enjoint de mettre fin aux pratiques relevées. Il lui a
infligé une amende de 1,5 MF.
Ayant
délimité les contours du ou des marchés pertinents,
le Conseil examine si une entreprise ou un groupe d'entreprises
détient une position dominante sur ce ou ces marchés.
En d'autres termes, il recherche si une entreprise est en position
de s'abstraire de la concurrence d'autres entreprises présentes
sur le même marché. Ce faisant, le Conseil adopte une
analyse conforme à la jurisprudence dégagée
par la Cour de justice des Communautés européennes,
qui a considéré que"
la position dominante visée par l'article 82 concerne une
position de puissance économique détenue par une entreprise
qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence
effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité
de comportements indépendants dans une mesure appréciable
visàvis de ses concurrents, de ses clients et,
finalement, des consommateurs "
.
La
détention d'une importante part du marché, qui est
souvent caractéristique de l'existence d'une position dominante,
ne constitue cependant pas un indice suffisant pour conclure à
l'existence d'une position dominante ; d'autres éléments,
tels que la part relative des autres intervenants sur le marché,
le fait que l'entreprise en cause appartient ou non à un
groupe d'entreprises puissant, le statut de cette entreprise, le
fait qu'elle a ou non un accès préférentiel
à certaines matières premières ou sources de
financement, ainsi que l'existence et la nature des barrières
à l'entrée sur le marché, doivent également
être pris en compte.
Dans
le cas où un opérateur détient la totalité
ou la quasi totalité du marché, ce seul fait suffit
à établir qu'il détient une position dominante
au sens de l'article 8 de l'ordonnance. Ainsi la part des ventes
réalisées par la société Exacompta (décision
n° 99D32) sur le marché des registres et piqûres
qui était évaluée à 89 % a
été le seul critère à partir duquel
a été établie la position dominante.
Sur
le marché de la poupée mannequin (décision
n° 99D45), la position dominante de la société
Mattel a été déterminée à partir
de plusieurs éléments : sa part de marché,
supérieure à 80 %, sa stratégie commerciale
spécifique qui faisait de la poupée Barbie un produit
d'une très forte notoriété et considéré
comme incontournable par les distributeurs, l'importance de son
budget de communication. Le Conseil a également retenu l'appartenance
de la société Mattel France à un groupe puissant,
premier fabricant mondial de jouets, et le fait que les poupées
mannequins concurrentes de la poupée Barbie sont très
loin de bénéficier de la même notoriété,
aucune ne détenant d'ailleurs plus de 6 % de part de marché.
Une
position dominante est une chose l'utiliser pour des pratiques anticoncurrentielles
en est une autre. Dans les affaires relatives à l'application
de l'article 8 de l'ordonnance, le Conseil a été conduit
à dire si les entreprises en cause avaient utilisé
la position dominante qu'elles détenaient pour chercher par
des pratiques abusives à éliminer un concurrent ou
à empêcher l'entrée sur le marché d'une
nouvelle entreprise.
Dans
le dossier relatif à TF1 (décision n° 99D85),
étaient en cause les conditions tarifaires consenties par
TF1 Publicité à une autre filiale du groupe, TF1 Entreprises,
qui édite des vidéogrammes.
Les
éditeurs de vidéogrammes désireux de promouvoir
leurs produits sur les écrans de TF1 peuvent arbitrer entre
une campagne de publicité classique, des publicités
réalisées en " floating time ", c'estàdire
des publicités dont la programmation est laissée au
choix de TF1 en fonction de la disponibilité des écrans
publicitaires ou effectuer de la publicité " au rendement
", selon un régime spécifique réservé
au secteur " éditions musicales et vidéo ".
Dans ce dernier cas, la rémunération de la régie
publicitaire de TF1 comprend, d'une part, une redevance fixée,
selon la période, à 35 à 40 % de la valeur
brute des écrans, laquelle demeure acquise à TF1,
et, d'autre part, un pourcentage sur le montant des ventes de vidéogrammes
fixé de manière contractuelle. Les annonceurs concernés
peuvent également opter pour une campagne " mixte "
associant la publicité " au rendement " et en "
floating ", auquel cas, la rémunération de TF1
Publicité est basée sur un forfait fixé à
60 % de la valeur brute des écrans publicitaires sans facturation
de redevance.
En
1994 et 1995, le choix des éditeurs de vidéogrammes
et de musique entre les différentes options s'est porté
majoritairement sur les publicités " au rendement "
(45 %) et en " floating " (39 %), la publicité
" classique " ne recueillant que 9 % de la demande concernée.
Les
relations commerciales entre TF1 Publicité et sa filiale
TF1 Entreprises sont régies par un accord cadre signé
le 21 avril 1994 qui précise, entre autres, qu'en raison
de son appartenance au groupe TF1, la société TF1
Entreprises bénéficie de conditions tarifaires spécifiques.
Le prix défini contractuellement comporte, d'une part, un
forfait de 10 % de " l'investissement rendement consenti et
réellement programmé par TF1 Publicité ",
ces 10 % étant considérés comme une "
avance sur redevances ", et, d'autre part, une redevance égale
à 5 % du chiffre d'affaires de TF1 Entreprises sur tous les
exemplaires vendus dans le circuit commercial constitué par
les grossistes, la FNAC, les hypermarchés et supermarchés
ainsi que les détaillants.
L'instruction
avait établi que TF1 traitait de façon discriminatoire
les annonceurs selon qu'ils appartenaient ou non à son groupe.
Le Conseil a considéré que le fait, de la part d'une
entreprise bénéficiaire d'une autorisation d'utiliser
des fréquences hertziennes pour l'émission des programmes
télévisés et se trouvant en position dominante
sur le marché de la publicité télévisée
des vidéogrammes, d'accorder des conditions de vente non
transparentes et discriminatoires à sa filiale spécialisée
dans l'édition de vidéogrammes fausse le jeu de la
concurrence dans la mesure où la pratique en cause donne
un avantage injustifié à la filiale concernée
et peut avoir pour effet de limiter l'accès au marché
de la publicité par des entreprises concurrentes. TF1 a également
été sanctionnée sur la base de l'article 7
pour s'être réservée l'exploitation vidéographique
des uvres audiovisuelles lors de la signature du contrat de
coproduction .
A
la lecture de ce rapport on remarque que certains jugements apparaissent
parfois contestables au sens où on a l'impression de voir
une justice pratiquant deux poids deux mesures en fonction de l'interprétation
du moment ou de ce que le Conseil imagine être le progrès
économique ou encore les conséquences potentielles
d'une position dominante ou d'une entente mêmes si ces conséquences
ne se sont pas encore réalisées.
En
particulier l'arbitraire ou l'interprétation subjective est
forte lorsqu'il s'agit de déterminer ce qu'est un marché.
L'exemple des poupées mannequins ou des poupées poupons
est significatif de cet arbitraire voire de la mauvaise foi du Conseil
( à la lecture du rapport seul document dont nous disposons).
Reprenons ce qui est écrit plus haut.
Après
avoir rappelé, au début de son développement,
la position de principe du conseil sur la place d'un test d'élasticité
croisée dans la méthodologie d'analyse du marché
et après avoir examiné les éléments
d'appréciation d'ordre technique, économique et comportemental,
le Conseil a commenté au fond les résultats de l'étude
économétrique produits par la société
Mattel.
En
particulier, selon cette étude, les ventes baisseraient de
15,4 % si le prix des poupées Barbie augmentait de 10 % et
une hausse de 5 % des prix des poupées Barbie aboutirait
à une baisse des bénéfices de la société
Mattel.
Le
Conseil a raison de rappeler que le test des élasticités
croisées ou le concept de substitution peut être un
des critères "objectif" de définition d'un
marché au sens de la théorie néoclassique par
opposition aux tests psychologiques car la demande de marché
révèle les véritables préférences
des consommateurs seuls habilités finalement à dire
par leurs actes ce qui est bon ou mauvais.
Reportons
nous au graphique suivant
Sur
l'axe nous portons les quantités consommées de poupées
poupons par an et sur l'axe horizontal les poupées Barbie.
Partons
de l'équilibre d'origine A pour une contrainte de budget
donnée cd. Une hausse du prix des poupées mannequins,
à prix des poupées poupons inchangé, déplace
la contrainte de budget en ce. Nous observons trois effets :
1)
un effet substitution de A vers B à satisfaction constante,
2)
un effet participation qui pousse les parents qui auraient peut
être acheté les poupées mannequins à
y renoncer ou pour les parents qui avaient déjà fait
l'achat à ne pas le renouveler angle a)
3)
et un effet revenu réel à la baisse qui contrecarre
l'effet substitution sur les poupées poupons et s'ajoute
à l'effet substitution pour les poupées mannequins.
L'impact
d'une hausse du prix des poupées mannequins sur la consommation
des poupées poupons est pris comme un indicateur imparfait
de ce que les deux produits sont substituables.
En effet dans le cas où les biens sont complémentaires,
l'effet substitution est nul, seul l'effet revenu réel à
la baisse joue, auquel cas la consommation de poupées poupons
diminue comme celle des poupées mannequins. Traduisons en
termes d'élasticités croisées une hausse du
prix des poupées mannequins. Celle-ci entraîne une
hausse de la consommation des poupées poupons le produit
substitut. L'élasticité prix croisée est positive.
Si les biens sont complémentaires, une hausse du prix des
poupées Barbie implique une baisse de la demande de poupées
poupons, l'élasticité prix croisée est négative.
Cependant le véritable test doit présenté l'effet
substitution à revenu constant ou à utilité
constante. Le courbe de demande qui doit être estimée
est celle de Hicks. En effet si l'effet revenu excède en
valeur absolue l'effet substitution, l'élasticité
prix croisée pourrait être nulle ou négative
alors qu'il y a en fait réellement substitution entre les
deux produits.
Malheureusement
le rapport du Conseil de la concurrence ne présente pas au
lecteur le test d'élasticité croisée proposé
par la société Mattel. Les seuls chiffres discutés
dans le rapport portent sur un test d'élasticité prix
( -1.54 ) du produit lui-même. Le Conseil n'a pas de peine
à dire alors que ce test n'exclut pas l'hypothèse
d'une situation de monopole (au sens d'une courbe de demande non
parfaitement élastique- c'est-à-dire que la firme
n'est pas - Price-Taker - sinon l'élasticité serait
infinie). Le test, en effet, révèle que la courbe
de demande de ce produit est à pente négative et de
forte élasticité en valeur absolue mais pas d'élasticité
infinie. Le fait que la firme n'apporte pas la preuve que les poupées
poupons ou autres jouets ne se substituent pas à la poupée
Barbie n'implique pas que les autres jouets ou les poupées
poupons ne sont pas des substituts au produit offert par Mattel.
Or
le Conseil dans son rapport de 1999 affirme :
"
Le Conseil a observé que ces constatations sont insuffisantes
en ellesmêmes pour définir les contours du marché
dans la mesure où elles pourraient être cohérentes
tant avec une situation dans laquelle les poupées Barbie
seraient en concurrence avec d'autres poupées ou jeux (thèse
de la société Mattel) qu'avec une situation dans laquelle
la société Mattel disposerait d'un monopole, les poupées
Barbie constituant alors un produit insubstituable à tout
autre poupée ou jeu"
.
Dans
cette phrase deux fautes de logique, en fait deux sophismes, peuvent
être relevées. La première faute de raisonnement,
nous venons de l'indiquer est un argument Ad Ignorantiam.. On prétend
que Mattel est un monopole par le fait que Mattel ne peut démontrer
qu'il n'est pas en situation de monopole. En général
en absence de preuve on suspend son jugement ! L'autre inférence
erronée consiste à dire que si Mattel est un monopole,
alors on ne peut substituer son produit avec un autre. Si l'équivalence
formelle est correcte, la démarche n'est pas la même,
car il faut définir le monopole autrement que dans la proposition
précédente.
Affirmer
la proposition : lorsque les biens sont substituables, les élasticités
prix croisées sont positives (méthodologie du Conseil
de la concurrence), alors on n'a pas affaire à un monopole,
n'est pas, du point de vue sémantique, la même chose
que d'affirmer : lorsque l'on a une situation de monopole, alors
le produit n'est pas substituable à un autre. Dans cette
dernière version il faut tester empiriquement la situation
de monopole en faisant appel à autre chose que les élasticités
prix croisées nulles ou négatives.
En
fait, on est en présence de deux syllogismes mixtes
Le
premier syllogisme mixte est le suivant:
Si
X , alors Y
(
X= les élasticités prix croisées sont positives;
Y la firme n'est pas en situation de monopole)
On
n'observe pas X
__________________
Donc
pas de Y
Ce
qui est un syllogisme incohérent. Il aurait été
correct si la prémisse classificatoire avait nié le
conséquent de la prémisse conditionnelle et la conclusion
nié l'antécédent. C'est un classique de l'étude
des syllogismes. Le conseil de la concurrence semble fâché
tout à coup avec la logique la plus élémentaire.
Le
second est aussi intéressant. En effet le Conseil utilise
l'équivalence logique ou formelle entre les propositions
:
si
X alors Y et
si
Non Y alors Non X.
Que
l'on prenne la négation du précédent ne change
pas le problème de la preuve. Il faut que la prémisse
classificatoire soit ou bien on observe X ou on observe Non X, car
par définition Non Y ou Y n'est pas observable puisque c'est
ce que l'on cherche à déterminer . Or que nous dit
le Conseil :
"
une situation dans laquelle la société Mattel
disposerait d'un monopole, les poupées Barbie constituerait
alors un produit insubstituable à tout autre poupée
ou jeu. Dans ce dernier cas, en effet, et si la société
Mattel pratiquait un prix maximisant ses profits, toute augmentation
de ce prix entraînerait nécessairement une baisse de
son profit. En outre, un monopole a toujours intérêt
à fixer son prix à un niveau tel que, pour ce prix,
l'élasticité du prix de la demande pour son produit
est supérieure à 1 en valeur absolue."
La
prémisse conditionnelle est la suivante:
si
Non Y alors Non X ( si Mattel est en situation de monopole, alors
il n'y a pas de substitut à son produit) la prémisse classificatoire : on observe Non Y _______________
donc
Non X
Cette
fois le syllogisme est correct mais l'argumentation pour affirmer
qu'on observe Non Y n'est pas aussi facile à établir.
En tout cas l'argument avancé pour le soutenir n'est pas
valide.
Si
on suppose que la firme maximise ses profits, que le calcul de l'élasticité
se fait au point d'équilibre de la firme et que la courbe
de demande est linéaire , de deux choses l'une
1)
ou bien la firme est en situation de concurrence et le coût
marginal d'une poupée Barbie est égal au prix du produit
2)
ou la firme est en situation de monopole et la marge bénéficiaire,
qui est l'inverse de cette élasticité (1/ 1.54), est
de 65% du coût marginal du produit.
Comme
Mattel affirme simultanément qu'une hausse de 5% de son prix
entraîne une baisse des profits ( on admet la véracité
des estimations), le Conseil de la concurrence semble décider
s'il y a une situation de monopole sur ces deux seuls faits.. Reportons
nous au graphique traditionnel où l'on représente
la demande qui s'adresse aux poupées Barbie en fonction de
leur prix.
Mattel
fournit deux renseignements, l'élasticité prix est
de 1.54 en valeur absolue et lorsque le prix augmente de 5% les
profits diminuent. Peut-on affirmer comme le fait le Conseil de
la concurrence que l'on est dans la situation où l'écart
entre le prix et le coût marginal est bd? Par définition
(si la courbe de demande est linéaire) le point b est au
dessus du point f , point pour lequel l'élasticité
prix en valeur absolue est unitaire. En ce point la recette marginale
est nulle et les profits ne sont pas maxima. Ils le sont au point
b. Le Conseil interprète correctement le fait que si la firme
augmente ses prix de 5% ses profits baissent est compatible avec
l'idée que le point b est l'optimum. Puisqu'un prix au-dessus
ou en dessous de cet optimum en situation de monopole diminue ses
profits.
La
firme Mattel ne dit pas malheureusement ce qui se passe lorsque
le prix diminue. Or c'est cette dernière expérimentation
qui est cruciale pour discriminer entre la situation de monopole
ou de concurrence. Supposons que le coût marginal de produire
une poupée Barbie c'. Le prix proposé par Mattel est
alors un prix de concurrence. En ce point les profits sont nuls.
Une hausse de 5% du prix au dessus du prix de compétition
diminue normalement les ventes et donc les profits qui deviennent
négatifs puisque correspondant à la situation de concurrence.
En situation de concurrence mettre un prix au-dessus du prix de
marché, revient à perdre l'ensemble de sa clientèle.
En revanche, une baisse du prix devrait induire une hausse des ventes
mais cette fois avec une hausse des profits.
Là
encore le Conseil de la concurrence dispose des moyens pour faire
le travail lui-même ou d'exiger de la firme Mattel qu'elle
revoit sa copie.
En
fait, la démonstration exigerait que si effectivement la
définition du marché s'arrête arbitrairement
aux poupées mannequins alors il y a position dominante, mais
selon la jurisprudence du Conseil position dominante ne veut pas
dire que l'on puisse échapper à la rivalité
d'imitateurs si ceux ci à la marge déterminent le
prix du produit. En effet ce sont toujours les offreurs et les demandeurs
marginaux qui font le prix de marché et non les infra marginaux.
Par
définition la firme Mattel lorsqu'elle a lancé la
poupée Barbie était la seule sur le marché
elle détenait un monopole au sens du Conseil de la concurrence.
Personne ne se plaignait à l'époque. Cette innovation
était sans doute plébiscitée par les consommateurs
puisqu'ils achetaient ce produit. Les imitateurs sont venus concurrencer
Mattel en offrant justement des produits substituts : la poupée
mannequin. Il est paradoxal alors de voir le Conseil de la concurrence
tout à coup plaider la position dominante et l'absence de
substitut ! Puisque c'est justement la liberté d'entrer sur
le marché qui a été respectée par la
firme Mattel et qui donne naissance à cette compétition
sur les franges du produit poupée Barbie. Par définition
toute innovation et différenciation de produit donnent naissance
à un monopole temporaire, c'est le rôle de la liberté
d'entrée sur un marché que de permettre cette innovation
et d'entraîner avec elle des imitateurs donc la rivalité.
La
situation sur ce marché si elle ressemble à un moment
donné à une situation où une firme dominante
est concurrencée sur ses marges en attendant d'être
rattrapée par des imitateurs plus inventifs ou plus ingénieux,
cela ne veut pas dire que le prix est un prix de monopole, car le
prix qui va être déterminé sur le marché
dépend fondamentalement des fonctions de coûts des
firmes marginales.
Démontrons
ce point en utilisant ce que nous avons appris dans un chapitre
précédent. Distinguons la firme dominante des firmes
de la frange concurrentielle. Les firmes imitatrices maximisent
leurs profits en égalisant le prix de marché à
leur coût marginal. On suppose qu'elles sont des "Price
taker" sur le marché compte tenu de la faible part de
marché qu'elles détiennent:
1)
Le
prix de marché est déterminé par la firme dominante
qui maximise ses profits sachant que la production de la firme dominante
et celle des firmes sur la frange concurrentielle affectent la quantité
totale de poupées mannequins offerte sur le marché
et donc le prix de marché.
2)
réécrivons
l'équation 1)
3)
Les
firmes sur la frange considèrent comme donné le prix
de marché de telle sorte que si la firme dominante augmente
ses quantités le prix de marché baisse et les firmes
sur la frange offrent moins de leur produit pour maximiser leur
profit.
Différentions
l'équation 3) on obtient :
4) soit
5) , on déduit de cette relation que
:
lorsque
la firme dominante augmente sa production, le prix de marché
baisse et la firme concurrentielle diminue la sienne.
Sachant
cela la firme dominante choisit son niveau de production qui maximise
son profit en tenant compote de l'équation 3).
La
firme dominante maximise son profit par rapport aux quantités
qu'elle désire offrir sur le marché.:
6)
tel
que :
Nous
avons :
8)
Faisons
apparaître l'élasticité de la demande globale
en mettant en facteur le prix de marché :
9)
transformons
, on obtient :
10)
De
l'équation 5) nous savons que :
Substituons
dans 10) on obtient:
11)
Réarrangeons
les termes:
12)
Le
terme entre parenthèse est positif mais inférieur
à l'unité. Le prix de marché dépend
donc à la fois de la fonction de coût de la firme dominante
et de la production comme des fonctions de coût des firmes
marginales.
Si ou que alors on
retrouve la situation de monopole, car si .
Pré-multiplions
le numérateur et le dénominateur de l'expression entre
parenthèses par , faisons apparaître
les élasticités d'offre des firmes marginales et leurs
parts de marché, on obtient, après quelques manipulations,
l'expression suivante qui exprime le "mark up pricing"
de la firme dominante en fonction de l'élasticité
d'offre des firmes marginales et de leur poids sur le marché
13)
L'écart
entre le prix de marché et le coût marginal de la firme
dominante, c'est-à-dire sa marge de profit dépend
non seulement de l'inverse de l'élasticité de la demande
et de sa part de marché mais aussi de l'élasticité
d'offre des firmes marginales. En supposant que les chiffres donnés
dans le rapport correspondent à la réalité, =.80 et =-1.54,
Une forte élasticité d'offre des firmes marginales
de 20 par exemple réduit le pouvoir de marché de la
firme dominante de 52% à 14%. Une élasticité
d'offre infinie réduit à zéro le terme entre
parenthèses et ramène la position dominante à
une position concurrentielle!
1)
Quand le gouvernement invoque les lois sur la concurrence, il transforme
vite une firme privée en quelque chose qui devient public.
En effet la décision par exemple d'une fusion n'est plus
prise par les propriétaires de la firme, mais par un bureaucrate
et ou un juge qui sont tous deux des fonctionnaires. En détruisant
l'échange volontaire par une interdiction, les juges ou les
membres du Conseil de la concurrence ont la prétention que
les alternatives qu'ils vont devoir sacrifier seront compensées
par des gains pour le consommateur. Mais ils n'ont aucune idée
de la valeur ces alternatives sacrifiées pour les comparer
aux gains que leur décision devrait procurer aux consommateurs.
2)
Comme les décisions du Conseil de la concurrence sont non
objectives, rétroactives, parfois totalement arbitraires,
les firmes n'ont plus d'environnement juridique stable pour prendre
leur décision. Elles sont amenées à demander
une expertise auprès du Conseil de la concurrence, certes
qui donne du travail aux bureaucrates et aux juges ou aux experts
affiliés mais qui coûte du temps et de l'argent aux
actionnaires.
3)
La jurisprudence du Conseil de la concurrence reste sur une vision
fausse et statique de la notion de concurrence. Le mini-monopole
temporaire et la recherche de profits pris sur les gains à
l'échange du consommateur est le moteur de l'innovation et
de l'économie. En punissant le succès des poupées
Barbie par une forte amende, le Conseil agit à l'encontre
de la compétition et du fonctionnement du marché.
4)
Une définition étroite de la notion de marché
pertinent peut faire de n'importe quelle firme un monopole c'est
le cas des poupées Barbie ou poupées mannequins par
opposition aux poupées poupons.
5)
Il est frappant que le Conseil de la concurrence inflige des pénalités
ou rejette des plaintes sans à avoir de compte à rendre
en cas d'erreur. Aucun de ses membres n'est tenu responsable des
erreurs de jugements qu'ils pourraient commettre. Par exemple si
le procès de Microsoft conduisait à son démantèlement
les coûts seraient très élevés. Coûts
liés à la restructuration, à la perte des avantages
liés à l'intégration mais aussi coûts
liés au signal envoyé aux autres entrepreneurs si
celui -ci est erroné.
6)
Le Conseil de la concurrence agit comme un planificateur des pays
de l'Est. Il a la prétention de dire quel est le meilleur
produit, lequel doit être retiré du marché quels
que soient les goûts du consommateur. En absence de violation
de droit de propriété ou de clause contractuelle ou
encore de libre entrée sur un marché, l'intervention
de l'Etat n'est plus autre chose que du paternalisme.
7)
Mais l'existence même du Conseil de la concurrence ( comme
dans le cas des brevets d'invention) suscite des plaintes pour éliminer
des rivaux ou leur faire supporter des coûts. Il peut être
aussi utilisé par des hommes politiques pour convaincre des
entrepreneurs qu'ils doivent les soutenir dans le financement de
leur campagne politique.
8)
Enfin normalement la jurisprudence devrait consister à éliminer
les barrières à l'entrée ou à la sortie
du marché qui proviennent non pas d'obstacles "naturels"
comme les économies d'échelles, la publicité,
la différenciation des produits, les contrats, la réputation,
les prix plus bas, un produit ou un service d'une qualité
plus élevé etc. mais celles qui résultent de
la part des rivaux d'obstacles impliquant une violation de droit
de propriété ou de liberté d'entrée
par la violence ou la menace de la violence. En fait dans ce domaine
c'est l'Etat lui-même qui est le producteur de ces barrières
que le conseil de la concurrence devrait sanctionner comme il a
essayé de le faire avec le syndicat de l'imprimerie, non
pas parce que ce syndicat constituait une entente mais parce qu'il
use de la violence ( légale) pour arriver à ses fins.
26.3
Un retour à la vision classique de la compétition
Le
concept de compétition est inséparable de la notion
de rareté et de celle d'échange volontaire ou de marché.
Il trouve son origine dans la rareté des ressources terrestres
face à la multiplication de l'espèce humaine. On distingue
deux formes de compétition naturelle :
·
Celle qui consiste à se précipiter sur une ressource
naturelle et à l'exploiter au maximum, sans se préoccuper
du comportement de ses rivaux. Celui qui arrive le premier et l'exploite
avant les autres ou, qui, arrivant le dernier, connaît une
technique permettant d'en tirer un rendement plus élevé,
élimine les autres. Il est important de noter ici que les
rivaux s'ignorent.
·
Celle qui consiste à épuiser cette ressource en luttant
contre ses adversaires par la violence, en réduisant, d'une
manière ou d'une autre, leur efficacité ou bien encore
en s'emparant de ce qu'ils ont produit.
Ces
deux formes de compétition dilapident les ressources car
aucun droit de propriété et de liberté contractuelle
n'est définie. Pour observer le résultat de Cournot,
il faut nécessairement un ordre compétitif, c'est-à-dire
une définition précise des droits de propriété,
ce qui implique la notion de privatisation et de liberté
de passer des contrats, ainsi que celle d'entrer sur le marché.
Il s'agit là de la vision classique de la compétition
dans le monde du commerce et de l'industrie.
La
compétition dont parle l'économiste est celle qui
s'instaure dans une situation d'interaction individuelle dans laquelle
les droits de propriété sont clairement définis,
ce qui exclut que tous se précipitent en même temps
sur une pâture commune, et dans laquelle l'échange
volontaire est la règle, ce qui interdit l'élimination
de rivaux par la violence. Il s'agit donc d'une compétition
ou d'une rivalité dans le cadre d'une liberté de passer
des contrats et d'entrer sur le marché.
La
compétition consiste donc toujours en une interaction entre
au moins trois personnes : un offreur et deux demandeurs ou deux
offreurs et un demandeur. Il s'agit toujours d'une rivalité
pour saisir l'opportunité d'un échange mutuellement
avantageux. La compétition apparaît entre les offreurs
ou entre les demandeurs pour s'approprier un bien ou un service
moyennant une contrepartie. Elle s'exerce, entre autres, sur le
prix mais pas seulement sur les prix. La qualité, la localisation,
les services avant ou après ventes sont autant d'ingrédients
avec lesquels les entreprises s'efforcent de capter l'intérêt
du consommateur.
Il
est essentiel que l'offreur propose un prix de vente plus bas que
son rival afin d'inciter l'acheteur à venir chez lui. De
même, il est essentiel qu'un acheteur puisse proposer un prix
plus élevé pour distancer ses concurrents et emporter
la vente.
Une
telle conception ne résulte pas, à proprement parler,
d'une construction de la courbe d'offre de l'industrie par sa fonction
inverse, mais cette façon de la construire, en termes de
" markup pricing ", éclaire de façon très
significative cette approche de la compétition ou de la rivalité
entre les offreurs ou les demandeurs.
Cette
rivalité implique, comme le soulignait A. Smith, une information
sur les prix proposés par les concurrents, ainsi que sur
les prix et les demandes des acheteurs. Mais comme cette recherche
a un coût, on ne la poursuivra pas indéfiniment. Une
information imparfaite sur les offres et les demandes, aussi bien
que sur les prix, est, en effet, " optimale ". Il va de
soi que la vie est plus difficile en présence de concurrents
ou de rivaux, qui peuvent, d'ailleurs, être potentiels. Par
exemple, un acheteur, qui trouve trop cher le produit offert par
un commerçant, peut, s'il le veut, se lancer dans la production
ou la commercialisation de ce produit. C'est alors lui qui érodera
le profit du " monopole ". La libre entrée et la
libre sortie du marché sont plus importantes que le nombre
de firmes qui s'y trouvent: l'existence d'une firme unique sur un
marché n'implique pas nécessairement l'absence de
compétition.
Le
prix observé sur ce marché n'est pas non plus nécessairement
un prix de monopole. En effet, si d'autres firmes ne se lancent
pas dans la compétition, la raison en est peut-être
l'importance des coûts que cela suppose, comme, par exemple,
l'achat d'équipements très coûteux impossibles,
à revendre en cas de faillite. Ce coût de sortie freine
l'entrée. Ceci explique que la firme déjà sur
le marché met, à son produit, un prix lui permettant
de recouper cet investissement spécifique; les profits qu'elle
fait alors sont loin d'être anormaux.
Paradoxalement,
la compétition ne se limite aux prix. On peut, en effet,
distancer un concurrent en proposant, au même prix, un service
supérieur, un produit de meilleure qualité, un contrat
plus sûr ou plus respectueux des intérêts de
l'acheteur.
On
peut même penser qu'une entente entre les firmes, entre producteurs
et distributeurs, a pour objet de profiter d'économies d'échelle
ou de complémentarités permettant d'offrir le produit
à un prix plus bas ou au même prix, mais avec une qualité
supérieure. L'entente n'est pas intrinsèquement mauvaise;
la firme en constitue d'ailleurs la forme la plus achevée.
Il s'agirait d'un arrangement contractuel, intermédiaire
entre le contrat d'échange liant un acheteur et un vendeur
et le nud de contrats que l'on observe entre vendeurs et acheteurs
lors de la constitution d'une firme.
Le
coût de l'entrée ou de la sortie, de l'information
sur les offres et les demandes concurrentes, de la mobilité
des ressources et du respect des contrats entre offreurs ( ententes,
fusions, firmes...) ou demandeurs (boycotts, ententes, groupements
d'achat...), joint à l'activité des intermédiaires,
font que le nombre de firmes sur un marché, la part qu'elles
en possèdent, la transparence de ce marché, l'existence
d'ententes, les politiques de prix... sont les résultats
non attendus d'une rivalité dans le cadre de règles
précises, que l'on appellera un " ordre compétitif
".
Dans
cette conception, la compétition est un ensemble de règles
gouvernant la rivalité entre les offreurs ou les demandeurs.
Il est interdit, par exemple, à un offreur d'empêcher
l'entrée du marché par la force ou la violence, ce
qui distingue le commerce de la mafia ou de l'État. La libre
entrée ainsi que la liberté des contrats entre les
offreurs ou les demandeurs sont les règles que les rivaux
seront amenés à respecter. Dans ce cadre, le processus
compétitif se met en route.
Le
résultat va en être une certaine structure de marché,
caractérisée par un certain degré d'information,
une certaine mobilité des ressources, une homogénéité
ou une hétérogénéité des produits
et des firmes, une plus ou moins grande concentration, un nombre
de firmes donné, un certain écart entre prix de marché
et prix minimal auquel la firme est prête à offrir
son produit
Dans
une vision procédurale de la compétition, l'économiste
ou le juriste qui n'observe aucune violation des règles fondamentales
qui fondent et gouvernent la rivalité entre les firmes, peut
assigner au résultat de cette interaction, fût-il inattendu,
le nom de " compétition " ou de " concurrence
", même s'il n'existe qu'une seule firme sur le marché.
Les
économistes mathématiciens ont inversé le raisonnement.
Ils définissent, comme Cournot, a priori une situation de
compétition par un résultat particulier et idéel
de la structure de marché, et veulent imposer à la
réalité économique cette conception idéelle
de la concurrence.
La
vision classique est très critique vis-à-vis du droit
et de la politique de la concurrence puisque celle-ci repose sur
la seconde où il s'agit de contrôler la rivalité
des offreurs entre eux, non pas pour veiller au respect des règles
de bonne conduite, mais pour qu'ils se comportent comme dans une
situation de " price taker " !

26.4
Une discussion: le droit de la concurrence et l'affaire Microsoft
Dans
la mesure où la plupart des législations adoptées
par les Etats occidentaux ont été inspirées
par le droit américain, il n'est pas inutile de présenter
les principales disposition des Lois "Anti- Trust" des
Etats Unis. Lois qui ont conduit le juge Jackson a attaqué
Microsoft pour démanteler son entreprise. Adoptée
le 2 juillet 1890 le Sherman Act est la première loi antitrust
fédérale.
Article
premier :"Tour contrat, toute association
sous forme d'un Trust ou sous tout autre forme, toute entente destinée
à restreindre les échanges ou le commerce entre les
différents Etats de l'union ou avec les pays étrangers
sont illégaux."
Article
second :" Toute personne qui monopolisera,
tentera de monopoliser, ou participera à une association
ou à une entente avec une ou plusieurs personnes pour monopoliser
une partie quelconque des échanges ou du commerce entre les
différents Etats de l'Union ou avec les pays étrangers
se rendra coupable d'un délit.."
A
cette époque naît en effet les entreprises de grandes
tailles, mais même si la loi permet de lutter contre les cartels,
aucun des grands Trusts existant alors ne furent inquiétées.
Il semble que le législateur de l'époque était
plutôt bien disposé à l'égard du processus
de croissance engendré par la concentration industrielle.
Il faisait la distinction entre les bons Trusts et les mauvais comme
la Standard Oil ou l'American Tobacco. Le gouvernement américain
d'alors a adopté le Federal Trade Commission Act pour lutter
contre la concurrence déloyale ou jugée telle et le
Clayton Act (1914) pour contrôler les fusions et les concentrations
d'entreprises. C'est essentiellement à partir des années
1950 que les autorités concurrentielles imposèrent
la revente des entreprises acquises et le démantèlement
des actifs absorbés. Entre 1950 et 1985 nous dit M.Glais
dont nous nous inspirons pour partie dans cet historique, la Fedral
Trade Commission (FTC) a contesté plus de 500 fois des opérations
de fusions ( dont 85 % concernaient des ententes horizontales).
Ces trois lois ont été complétée en
1936 par le Robinson - Patman Act ( cette loi modifie l'article
2 du Clayton act ) pour mieux protéger les petites entreprises
surtout dans la distribution. Le sénateur Patman n'hésitait
pas à cette époque dramatiser la situation :"
Les jours des commerçants indépendants sont comptés
si rien n'est très rapidement fait. Ils ne peuvent survivre
dans le système actuel. On a atteint la croisée des
chemins : ou bien on laisse entre les mains d'un petit nombre de
chaînes de grands magasins la distribution des produits de
consommation courante, ou bien on vote des lois qui permettront
aux gens qui ont bâti ce pays en temps de paix et l'ont sauvé
pendant la guerre, de pourvoir survivre.."
Le
Robinson Act déclare illégal pour toute personne effectuant
des opérations commerciales ou industrielles d'utiliser dans
le cadre de ses transactions, le procédé de la discrimination
des prix entre différents acheteurs de produits de même
type et de même qualité lorsque l'effet de cette discrimination
:
1)
affaiblit la concurrence
2)
créé un monopole dans une branche
3)
réduit et empêche la concurrence avec celui qui reçoit
les avantages de cette discrimination et avec les clients de l'un
d'entre eux.
A
ces trois lois on peut ajouter le Celler-Kefauver Act de 1950 et
le Hart-Scott-Rodino Act de 1976.
Au
niveau de la fédération c'est le Bureau of Competition
au Federal Trade Commission et the Antitrust Division of the Department
of Justice qui traite des affaires de concurrence. Au niveau des
états, c'est au Attorney General qu'incombe la charge de
dénoncer les cas de violation de la Loi antitrust. Finalement,
les parties privées peuvent aussi dénoncer un cas
de violation. ;C'est dans ce cadre que Microsoft, le groupe de Bill
Gates, a été accusé d'abus de pratiques monopolistiques
sur le marché des logiciels de micro-ordinateurs par la justice
américaine et 20 des Etats de l'Union.
Chronologie
des évènements
18
mai 1998: le département de la justice et 20 Etats portent
plainte contre Microsoft pour pratiques anti-concurrentielles.
23
juin : en appel, Microsoft se voit accorder le droit implicite d'intégrer
le logiciel Explorer dans Windows.
19
octobre 1998: Ouverture du procès devant la Cour fédérale
de Washington présidée par le juge Jackson.
10
novembre 1998 : Netscape passe sous contrôle d'AOL
Février
1999 : la première phase du procès s'achève.
5
novembre 1999 : dans ses conclusions préliminaires, le juge
Jackson affirme que Microsoft détient "une position
de monopole" avec son logiciel Windows et que ses pratiques
visent à forcer les fabricants d'ordinateurs à l'adopter.
19
novembre 1999 : le juge nomme un médiateur, le juge Richard
Posner, pour tenter de trouver un réglement à l'amiable.
Les discussions ont lieu à huis clos.
22
novembre 1999 : première plainte en nom collectif déposée
au nom de millions de Californiens qui accusent Microsoft d'avoir
fait payer trop cher ses différentes versions de Windows.
13
janvier 2000 : Bill Gates abandonne les rênes de Microsoft
à son second Steve Ballmer, qui devient pdg, pour s'occuper
de la stratégie de son groupe autour des logiciels pour l'internet.
22
février : plaidoiries finales de Microsoft et des autorités
anti-trust.
24
mars : Microsoft fait une proposition de règlement à
l'amiable.
1er
avril : le juge Posner annonce l'échec des négociations
entre Microsoft et le gouvernement américain.
3
avril : le juge Jackson rend un verdict très sévère
contre Microsoft, retenant trois des quatre accusations lancées
par le département de la justice américain. Il retient
notamment l'accusation de pratiques monopolistiques en violation
de la législation antitrust américaine.
5
avril : L'action Microsoft baisse fortement à la bourse de
New York, entraînant les principales valeurs technologiques
du Nasdaq dans son sillage.
28
avril : Le gouvernement fédéral demande la partition
de Microsoft en deux entreprises distinctes, l'une centrée
sur le système d'exploitation Windows, l'autre regroupant
les logiciels et les activités Internet
.
10
mai : Microsoft présente au juge Jackson des contre-propositions
au plan du gouvernement américain, décrivant la solution
de la partition comme "aventureuse" et finalement nuisible
aux consommateurs.
18
mai : Le gouvernement américain rejette les concessions faites
par Microsoft, les estimant "ni sérieuses, ni raisonnables".
Les deux parties doivent se retrouver le 24 mai pour une ultime
confrontation avant que le juge Jackson ne rende sa décision.
La
décision de la cour d'appel sera rendu en juin 2001.
La
double plainte déposée d'une part par la division
antitrust du ministère de la Justice au nom du gouvernement
fédéral, sous la houlette de l'attorney général
Janet Reno, de l'autre par un groupe de procureurs représentants
une vingtaine d'Etats ne visait pas explicitement à bloquer
la sortie du nouveau Windows 98 ( la mise à jour du système
d'exploitation utilisé par plus de 90 % des PC) mais à
empêcher de lier ce système d'exploitation avec Internet
Explorer un browser en concurrence avec d'autres comme Nescape pour
l'accès à Internet..
D'après
le gouvernement, Microsoft a proposé en mai 1995 à
son concurrent Netscape un accord secret de partage du marché
des logiciels de navigation. La firme de Bill Gates était
en effet confrontée à la rude concurrence de Netscape,
dont le produit, Navigator, détenait à l'origine environ
70 % du marché des logiciels de navigation sur le Web. D'après
cet accord, évidemment totalement illégal, les deux
entreprises auraient associé leurs deux monopoles pour se
répartir le gâteau des internautes.
Cette
tentative de "conspiration" " selon la formule retenue
par Joe Klein, responsable de l'antitrust au sein de l'administration
Clinton " est, selon celui-ci, une preuve inébranlable
des intentions anticoncurrentielles de Bill Gates.
Selon
les autorités américaines, ce n'est en effet qu'après
le refus de Netscape que Microsoft aurait changé de stratégie
et travaillé à l'intégration de son propre
logiciel de navigation, Internet Explorer, au sein de Windows.
Selon
une expression attribuée à Microsoft par Joe Klein,
l'idée était de "bloquer l'arrivée d'oxygène
pour Netscape" en transformant le navigateur en accessoire
"gratuit " du système d'exploitation installé
sur la plupart des PC. "Nous avons, a-t-il précisé,
la preuve que (cette stratégie) n'a pas été
mise au point pour aider les consommateurs, mais pour faire en sorte
que Microsoft puisse écraser ses concurrents", a-t-il
affirmé.
"Microsoft
a abusé de son monopole dans les systèmes d'exploitation
pour étrangler le marché des navigateurs, les logiciels
nécessaires pour permettre l'accès à l'Internet",
a résumé Janet Reno. "Sans la législation
antitrust, les innovateurs d'aujourd'hui seront écartés
du marché, la concurrence disparaîtra. Microsoft a
prouvé qu'il était un excellent innovateur, mais nous
voulons être certains que le terrain reste ouvert pour que
le prochain Microsoft, le prochain grand innovateur qui améliora
notre vie et notre économie, puisse demain avoir la même
chance."
En
attendant la décision sur le fond le ministère de
la Justice et les procureurs demandaient aux juges de prendre un
certain nombre de décisions applicables immédiatement
afin de faire cesser les dégâts commis, selon eux,
par Microsoft. Si Bill Gates continuait d'insister pour offrir Internet
Explorer en même temps que Windows, le gouvernement américain
demandait à la justice de contraindre l'entreprise à
livrer également Netscape aux consommateurs qui s'équiperont
de Windows 98.
La
plainte comportait d'autres demandes spécifiques, portant
sur les contrats de Microsoft avec les fabricants de PC et notamment
le contrôle par Microsoft des premières images qui
apparaissent sur l'écran d'un PC après son démarrage,
le logo de Windows en pleine page (lire ci-contre) , et qui fait
que, du point de vue de l'utilisateur, "tous les PC sont en
fait des PC Microsoft".
Ce
que l'on a reproché finalement à Microsoft, outre
sa tentative d'entente avec Nescape c'est d'avoir intégré
Explorer, le navigateur de Microsoft, dans le programme de Windows
98 (utilisé par 90 % des consommateurs qui ont un PC), imposant
ainsi au consommateur, s'il achète ce programme, l'utilisation
liée du fureteur (browser en anglais) ou du navigateur :
Internet Explorer.
Evidemment,
le consommateur a toujours la possibilité d'installer un
autre fureteur sur son ordinateur s'il ne désire pas utiliser
le navigateur Microsoft mais pour cela il doit réinstaller
un autre navigateur comme Nescape sur son ordinateur!
L'attaque
contre Bill Gates a réjoui un grand nombre de personnes,
qui n'aiment pas les monopoles et voudraient des lois antitrust
encore plus sévères. C'est oublier qu'il y a monopoles
et monopoles, et qu'en la circonstance Bill Gates a rendu d'éminents
services à tous ses clients en proposant une version intégrée
d'un ensemble de logiciels qu'il fallait installer séparément
à un coût plus élevé avant son innovation.
La
justice fédérale américaine en la personne
du juge Thomas Penfield Jackson, a estimé que Microsoft,
le géant mondial des logiciels, avaient non seulement constitué
une situation de monopole, mais également avait abusé
de cette position, étouffant l'innovation, limitant la concurrence
et portant préjudice aux consommateurs américains.
Paradoxalement Jack Barksdale, à l'origine du procès
et ancien patron de Netscape, l'un des concurrents de Microsoft,
s'il considère que la condamnation de Microsoft est "
grand jour pour notre entreprise, pour le consommateur, et pour
l'industrie. ", a surtout usé de la législation
pour se protéger d'une stratégie commerciale -celle
de Microsoft- qui risquait de le mettre à mal après
avoir refuser de partager le marché des fureteurs avec Microsoft.
En
effet dans le cas de Microsoft il apparaît difficile d'évoquer
une situation de monopole. Le fureteur Internet Explorer n'est pas
le seul sur le marché et Nescape est fourni de manière
lié au système d'exploitation d'APPLE Mackintosh :
Mac / OS ! Or le Juge Jackson ne se préoccupe pas de cette
asymétrie dans son jugement. Microsoft n'empêche personne
d'installer un autre browser sur son ordinateur. Le browser IE est
fourni gratuitement aux consommateurs comme produit joint à
Windows 98. Comme pour les poupées Barbie le Ministère
de la Justice américain a restreint la définition
du marché de telle sorte que Micrososft soit un monopole
en affirmant qu'il est le seul logiciel des bureaux PC fonctionnant
sur Intel. Mais quid de Apple qui fonctionne sur Motorola quid de
Sun ou de Linux ? 15% des PC sont "nus" sans système
d'opération. L'économiste Alan Reynolds estime que
la part de marché de Microsoft est de 70% . Mais alors pourquoi
la FTC n'attaque pas Intel ou AOL qui détiennent une part
de marché supérieure?
On
ne peut non plus imputer à Microsoft une hausse de prix des
produits du fait de sa position dominante.
Deux
économises américain, Stan J. LIEBOWITZ et Stephen
E. MARGOLIS, ont dans une étude récente (Winners,
Losers, and Microsoft: Competition and Antitrust in High Technology)
remis en question les prétendues accusations selon lesquelles
Microsoft étoufferait l'innovation, limiterait la concurrence,
et par conséquence porterait préjudice aux consommateurs.
Selon Liebowitz et Margolis, dans de nombreux marchés des
logiciels, surtout ceux où Microsoft est devenu leader, la
chute des prix est tout à fait considérable. Mais
la caractéristique la plus notable de la présence
de Microsoft sur le marché de l'informatique est la chute
très importante et généralisée des prix
informatiques.
Cependant,
cette baisse n'a pas été constante dans le temps.
De 1986 à 1990, les prix étaient soit constants soit
légèrement à la hausse. Les prix ne commencèrent
à chuter significativement qu'à partir de 1990, c'est-à-dire
lorsque Microsoft commença à dominer ces marchés.
L'interprétation la plus logique de ces résultats
est que c'est à Microsoft que revient le crédit de
ces chutes de prix.
Avec
toute l'attention portée à Microsoft et à son
prétendu monopole, un élément empirique supplémentaire
ne semble pas inutile afin de vérifier celle conclusion.
C'est
pour cette raison que Liebowitz et Margolis réalisèrent
une nouvelle étude mais cette fois, sur l'industrie dans
son ensemble. Ils étudièrent 14 marchés de
logiciels pour la période 1988-1995 en distinguant 3 catégories
de marchés:
a.
Les marchés où Microsoft est un concurrent direct
b.
Les marchés où Microsoft ne joue aucun rôle
c.
Les marchés où la compétition porte sur les
produits en concurrence avec des caractéristiques du système
d'exploitation de Microsoft.
Les
résultats sur ces 3 catégories de Marchés et
sur la période 1988 - 1995 sont les suivant: les prix ont
baissé sur les 3 marchés, mais sur les marchés
de types a et c la baisse est d'environ 60% contre 15% sur ceux
de type b.
Dans
ces conditions, il est difficile de ne pas admettre que Microsoft
est responsable de la chute des prix (d'autant plus que Microsoft
a baissé ses prix après avoir gagné d'importantes
parts de marché).
De
plus, si on compare les résultats des deux principaux marchés
des logiciels (celui des traitements de texte et celui des tableurs)
pour les deux types d'ordinateurs (les PC et les Macintosh), alors
on s'aperçoit que :
a.
Microsoft réalisa la domination du marché des Macintosh
considérablement plutôt que celle sur le marché
des PC.
b.
Microsoft a acquis de très larges parts de marché
alors même qu'il était en train de lutter sur le marché
des PC en moyenne, la part de marché de Microsoft était
de 40 et 60% plus élevée sur le marché Macintosh
que sur le marché des PC durant la période 1988-1990.
Ce n'est qu'à partir de 1996 que Microsoft fut capable d'égaler
sur le marché des PC le succès obtenu sur celui du
Macintosh.
Ces
résultats réfutent l'idée selon laquelle Microsoft
fut vainqueur uniquement parce qu'il était propriétaire
du système d'exploitation (c'est Apple, et non pas Microsoft,
qui était le propriétaire du système d'exploitation
sur le marché du Macintosh mettant Microsoft en situation
de concurrence sur ce marché).
En
conclusion, les différents schémas de marché
permettent de tester l'hypothèse selon laquelle Microsoft
détiendrait une position de monopole.
i.
Sur les marchés où Microsoft étaient un simple
participant: les prix chutèrent plus vite et plus fortement
que sur les marchés où Microsoft n'était pas
présent.
ii.
Sur les marchés où Microsoft est devenu leader: les
prix chutèrent après que Microsoft soit devenu leader
ne laissant aucun doute sur le rôle de cette firme dans cette
baisse.
iii.
Sur les marchés où Microsoft était leader:
Microsoft faisait déjà payer des prix moins élevés
que pour le même produit vendu par une autre firme leader.
Les
marchés high-tech sont des marchés sur lesquels les
firmes entrent en compétition afin de détenir une
position de monopole. Le résultat de cette concurrence est
ce que l'on appelle un monopole séquentiel. Le vainqueur
est un vainqueur qui gagne tout mais seulement pour un temps. Comme
il n'existe aucune barrière étatique à l'entrée
de ce marché, seule la fourniture d'un service de qualité
et le choix des consommateurs permettent de garder les concurrents
potentiels en dehors. C'est dans cette concurrence que les meilleurs
produits pour les consommateurs prévalent contre ceux qui
sont inférieurs.
Sur
ces types de marchés, les actes même de la concurrence
qui provoque les tests de marchés de ces produits qui ressemblent
à des actes de monopolisation, car il s'agit en effet de
tentative de monopolisation mais d'une façon légitime.
Ces actes déterminent quelle firme sera dominante sur un
marché et ce jusqu'à ce que les concurrents se lancent
dans de nouvelles campagnes pour capturer le marché.
Questions
d'évaluation
Question
1
Une entreprise en situation de monopole voit sa demande s'accroître
à chaque niveau de prix de 10%. Si le coût marginal
est constant, le prix auquel l'entreprise vend son produit augmente.
Question
2_Q05
Imposer un prix plafond en dessous du prix qui s'établit
dans une industrie monopolisée par une firme réduit
les quantités produites.
Question
3_Q07
Une firme est en situation de monopole, le fardeau imposé
par un impôt de t francs par unité produite, diminuera
exclusivement les profits.
Question
4_Q08
Dans une situation initiale, l'équilibre concurrentiel s'établissait
en un point de la droite de demande où l'élasticité
de la demande est maintenant inférieure à l'unité
( ). Suite à une décision gouvernementale,
les firmes sont fusionnées en monopole. Pour compenser les
pertes des consommateurs, le gouvernement décide de subventionner
la production du monopoleur. Si l'on admet que le monopoleur ne
produira jamais de quantités pour lesquelles sa recette marginale
est négative, le bien-être initial des consommateurs
ne pourra en aucun cas être restauré.
Question
5
Lisez attentivement les passages suivants extraits d'un article
intitulé "Cherche à téléphoner
moins cher" paru dans le journal Newsweek du 10 février
1990: "Silvana Rossi, agent commercial d'un fabricant italien de
vêtements en cuir, redoutait constamment le jour de réception
de sa facture de téléphone. Silvana est souvent amenée
à appeler ses clients au Canada et aux Etats-Unis de sa maison
dans la banlieue de Rome. Italcable (monopole italien de communication)
lui facturait 4$ la minute ses communications Outre-Atlantique,
ce qui constitue l'un des tarifs les plus élevés au
monde. Voyant que ses factures dépassaient les 700$ et atteignaient
même les 1200$, elle commença à chercher un
moyen plus économique de communiquer avec ses acheteurs.
L'été dernier, elle trouva la solution à ses
problèmes. A New York, un jeune entrepreneur de 35 ans appelé
Howard Jonas a monté une petite entreprise qui permet aux
firmes d'outre-Atlantique [i.e. en Europe] d'appeler leurs correspondants
américains aux tarifs américains à bon marché.
Le client n'appelle pas directement son correspondant américain,
mais téléphone à l'entreprise de H. Jonas qui,
instantanément, le rappelle et le met en communication avec
le correspondant désiré. En utilisant les services
de Jonas, Rossi a pu réduire sa facture des deux tiers. Grâce à ce service Jonas est devenu très populaire
en Europe, parmi les grands consommateurs de communications Outre-Atlantique.
Après ces deux dernières année plus de 150
entreprises (dont NBC et Pepsi) ont signé des abonnements
avec sa firme appelée International Discount Telecommunication
(IDT). Le secret de sa réussite est le suivant: 10 mn de
communication de Rome à New York sont facturées plus
de 32$ par Italcable contre moins de 7$ par le circuit américain
d'IDT. Pour de gros consommateurs, les économies réalisées
sont encore plus importantes même en tenant compte des 250$
d'abonnement mensuel qu'IDT perçoit. L'ambition de Jonas,
comme il le dit, est de "tordre le cou" aux grands monopoles
étatiques d'Europe opérant sur le marché des
télécommunications. "Nous sommes une sorte de
police" dit-il et d'ajouter "c'est probablement nous qui
empêchons les PTT d'augmenter leurs tarifs".[...] Cela
ne réjouit pas les géants étatiques d'Europe
en matière de téléphone. Italcable traite IDT
de "pirate" qui n'hésite pas à "violer"
les monopoles publics. En Espagne, Telefonica (monopole public de
télécommunication) est en train de chercher un moyen
légal de l'attaquer en justice. France Télécom
ainsi qu'AT&T France affirment que les avantages de passer par
IDT sont trop exagérés. Ce à quoi Jonas rétorque
que "[ceux-ci] se comportent comme des escrocs en matière
de tarification et n'hésitent pas à recourir à
la désinformation." [...] Toujours est-il que France
Télécom a réduit ses tarifs concernant l'Amérique
du nord de 18% à compter du 1er janvier et que le monopole
allemand Telekom envisage de réduire les siens de 20% vers
les mêmes destinations. Sachant que France Télécom est un monopole et qu'il
est impossible d'empêcher les français d'accéder
aux services d'IDT. a) les nouveaux tarifs plus faibles que lui impose la compétition
internationale maximisent toujours ses profits et aussi les gains
à l'échange. b) si l'Etat français verse à France Télécom
une subvention d'un pourcentage égal à µ% de
la valeur de chaque unité produite, cette firme est incitée
à réduire ses prix sans diminution des quantités
produites. c) si la demande de communications téléphonique qui
s'adresse à France Télécom baisse de µ%
pour chaque niveau de prix, France Télécom sera incitée
à réduire les quantités sans réduire
son prix. d) France Télécom module ses tarifs en fonction de
tranches horaires (les communications coûtent à l'unité
moins en dehors des heures et des jours ouvrables.) Cette pratique
correspond en fait à une mission sociale de service public
en permettant aux individus et aux familles de communiquer moins
cher pour que les citoyens gardent le contact et que la communauté
soit soudée.
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Chapitre
26
Sommaire
26.1
La vision des manuels des années soixante
26.2
Les ordonnances de décembre 1986 et les lois sur la concurrence
26.3
Un retour à la vision classique de la concurrence
26.4
L'affaire Microsoft
Question
d'évaluation
Résumé
1
Les cinq conditions de la concurrence pure et parfaite dans la vision
néoclassique: · première condition: la firme la plus importante
dans un domaine donné ne contribue que très faiblement
à l'offre totale de l'industrie. · deuxième condition, corollaire de la précédente,
chaque firme agit indépendamment des autres. · troisième condition, l'information sur les offres
et les demandes comme sur les prix pratiqués de ceux qui
échangent est parfaite. · quatrième condition les demandeurs sont identiques:
les offreurs ne trouvent aucun avantage à vendre leur produit
à un consommateur plutôt qu'à un autre ou à
discriminer les prix entre les acheteurs . De manière identique
pour les acheteurs, ils n'ont pas une préférence particulière
pour un vendeur. Les vendeurs et / ou les acheteurs sont anonymes
et interchangeables. · cinquième condition les ressources doivent être
également productives quel que soit l'usage auquel elles
sont employées. Il y a mobilité des ressources
2
La compétition dont parle l'économiste classique est
celle qui s'instaure dans une situation d'interaction individuelle
dans laquelle les droits de propriété sont clairement
définis, ce qui exclut que tous se précipitent en
même temps sur une pâture commune, et dans laquelle
l'échange volontaire est la règle, ce qui interdit
l'élimination de rivaux par la violence. Il s'agit donc d'une
compétition ou d'une rivalité dans le cadre d'une
liberté de passer des contrats et d'entrer sur le marché.
3
Il est essentiel que l'offreur propose un prix de vente plus bas
que son rival afin d'inciter l'acheteur à venir chez lui.
De même, il est essentiel qu'un acheteur puisse proposer un
prix plus élevé pour distancer ses concurrents et
emporter la vente.
4
Dans une vision procédurale de la compétition, l'économiste
ou le juriste qui n'observe aucune violation des règles fondamentales
qui fondent et gouvernent la rivalité entre les firmes, peut
assigner au résultat de cette interaction, fût-il inattendu,
le nom de " compétition " ou de " concurrence
", même s'il n'existe qu'une seule firme sur le marché.
5
On peut proposer 8 critiques aux lois de la concurrence 1) Quand le gouvernement invoque les lois sur la concurrence, il
transforme vite une firme privée en quelque chose qui devient
public. En effet la décision par exemple d'une fusion n'est
plus prise par les propriétaires de la firme, mais par un
bureaucrate et ou un juge qui sont tous deux des fonctionnaires. 2) Comme les décisions du Conseil de la concurrence sont
non objectives, rétroactives, parfois totalement arbitraires,
les firmes n'ont plus d'environnement juridique stable pour prendre
leur décision. 3) La jurisprudence du Conseil de la concurrence reste sur une vision
fausse et statique de la notion de concurrence. Le mini-monopole
temporaire et la recherche de profits pris sur les gains à
l'échange du consommateur est le moteur de l'innovation et
de l'économie. 4) Une définition étroite de la notion de marché
pertinent peut faire de n'importe quelle firme un monopole c'est
le cas des poupées Barbie ou poupées mannequins par
opposition aux poupées poupons. 5) Il est frappant que le Conseil de la concurrence inflige des
pénalités ou rejette des plaintes sans à avoir
de compte à rendre en cas d'erreur. Aucun de ses membres
n'est tenu responsable des erreurs de jugements qu'ils pourraient
commettre 6) Le Conseil de la concurrence agit comme un planificateur des
pays de l'Est. Il a la prétention de dire quel est le meilleur
produit, lequel doit être retiré du marché quels
que soient les goûts du consommateur. 7) Mais l'existence même du Conseil de la concurrence ( comme
dans le cas des brevets d'invention) suscite des plaintes pour éliminer
des rivaux ou leur faire supporter des coûts 8) Enfin normalement la jurisprudence devrait consister à
éliminer les barrières à l'entrée ou
à la sortie du marché qui proviennent non pas d'obstacles
"naturels" mais celles qui résultent d'obstacles
impliquant une violation de droit de propriété ou
de liberté d'entrée par la violence ou la menace de
la violence
Lectures
conseillées
D.
T. Armentano
, 1982,Antitrust and Monopoly: Anatpmy of Policy
Failure
, Wiley Interscience
D.
Carlton
&J. Perloff
, 1998,Economie Industrielle
,
De Boeck Université
Charles
Coquelin
, 1864,"La concurrence" Dictionnaire d'économie
politique
, Paris, Guillaumin
F.
Hayek
, 1978,Competition as a discovery Procedure
inNew Studies in Phylosophy, Politics, Economics and History of
Ideas
, University of Chicago Press
M.
Glais
, 1992,Economie industrielle
, Paris ITEC
H.
Lepage
, 1989,La nouvelle économie industrielle
,
Paris Hachette
F.
Machovec
, 1995,Perfect Competition and the transformation
of economics
, Routledge London
G.
Tullock
, 1967,The Welfare Costs of Tariffs, Monopolies and
Theft
, Western Economic Journal.
P.
Salin
, 1996,La concurrence
, PUF Collection Que Sais-je?
G.
Stigler
, 1963,The Organization of Industry
, University
of Chicago Press.
Il
est essentiel que l'offreur propose un prix de vente plus bas que
son rival afin d'inciter l'acheteur à venir chez lui. De
même, il est essentiel qu'un acheteur puisse proposer un prix
plus élevé pour distancer ses concurrents et emporter
la vente.
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